Née en septembre 1953, Rachel Paula Anderson est connue pour avoir été la première femme agent licenciée par la FIFA d’après les rapports de la Fédération internationale. Autant dire qu’elle fait figure de pionnière dans ce domaine. Tout commence très tôt pour Rachel. Issue d’une fratrie de onze enfants, dont cinq frères, la Britannique se découvre une passion pour le football dès l’adolescence, lorsque, à l’insu de ses parents, elle s’éclipsait pour aller voir jouer West Ham et Southend United « Quand j’étais petite, j’avais l’habitude de dire à ma famille que j’allais faire des courses, puis j’allais voir West Ham United ou Southend United à la place. Je me souviens que mon père pensait que le football était réservé aux voyous. Lui et mes frères aimaient le rugby. Mais au rugby, les gens se mordent les oreilles. Je pense que le football est beaucoup plus doux » avait-elle déclaré au micro du journal britannique The Mirror en 2005, avant d’ajouter « Je regardais West Ham une semaine et Southend la semaine suivante. Aujourd’hui, je n’assiste plus à autant de matches, mais quand je le fais, je ressens les mêmes émotions qu’il y a quelques années. Et c’était un excellent moyen de rencontrer des garçons ! »
Ses débuts dans le football
Après ses études et une brève expérience en journalisme sportif, Rachel Anderson a progressivement commencé à côtoyer le monde du football. Cette parenthèse journalistique lui a notamment permis de travailler comme assistante de Sir Stanley Rous, l’ancien président de la FIFA. Il s’agit là de ses premiers pas dans l’industrie du ballon rond.
Rachel a ensuite créé son entreprise connue sous le nom de RA Management. A ses débuts, ses principaux clients étaient Universal et Paramount, et Rachel était chargée de s’occuper de marques telles que Superman et Bugs Bunny « J’ai travaillé dans le journalisme pendant un certain temps, mais ma famille détenait les droits d’image de Paramount et d’Universal. J’ai donc également travaillé dans le marketing et le merchandising : si vous vouliez Superman ou Bugs Bunny sur un T-shirt, vous deviez vous adresser à nous ».
En parallèle de son travail dans le marketing, Rachel Anderson décide de suivre une formation pour devenir professeur d’aérobic à la Royal Society of Arts. Sans le savoir, elle allait mettre la main, par hasard, sur son premier client. « Je participais à un cours et il s’est avéré que la femme de Julian (Dicks, ndlr) y participait également, sans que je le sache […] Je lisais un journal dans les vestiaires et j’ai remarqué qu’une autre femme faisait de même. J’ai alors entamé une conversation sur le joueur de West Ham, Julian Dicks, un joueur merveilleux et très tenace qui se faisait toujours arrêter. Je l’ai réprimandé parce que je pensais qu’il gaspillait son talent car il avait tendance à être expulsé et ainsi de suite. J’expliquais à qui voulait l’entendre qu’il devait arrêter de se faire renvoyer pour des bêtises et cette dame était d’accord avec moi, alors j’étais sur la bonne voie. Un ami est sorti de la douche et m’a dit : “Oh, tu as rencontré Kay, la femme de Julian Dicks ? Quand j’ai appris que c’était sa femme, je me suis sentie mal et la semaine suivante, je me suis excusé ! Elle m’a dit que ce n’était pas grave parce qu’il n’écoutait pas et, à la fin des six semaines de cours, Julian est venu à notre cérémonie de remise des prix a dit : “Si tu es si intelligente, pourquoi ne t’occupes-tu pas de moi ?” Je me suis dit : “Je me suis occupée de Superman, comment cela pourrait-il être difficile ? Il est donc devenu mon premier client » a-t-elle poursuivi dans les colonnes du quotidien britannique. C’est ainsi qu’a débuté une longue et fructueuse relation professionnelle entre l’agent et le joueur.
Après avoir commencé à représenter le défenseur anglais, elle s’est rapidement rendue compte que la presse n’était pas tendre avec son nouveau poulain « À l’époque, les médias n’étaient pas très corrects avec Julian. Ils lui demandaient de poser avec deux marteaux [célébrant l’emblème de West Ham], puis en retiraient un sur Photoshop pour qu’il ait l’air agressif. J’ai fait faire des cartes de visite avec son nom et mon numéro. Lorsque les journalistes ont appelé, les pauvres diables m’ont eue. Mais ils ont commencé à se comporter avec respect ». Peu à peu donc, Rachel gagne en considération. Le point d’orgue survient lorsqu’elle parvient à transférer Julian. En 1993, elle organise le transfert très médiatisé de Dicks de West Ham à Liverpool contre 3 millions de livres sterling, un record à l’époque pour un défenseur. Non seulement la réputation de Dicks monte en flèche, mais aussi celle de son agent. Soudain, tout le monde s’intéresse à lui. “Cela les a faits taire”, dit Rachel en riant. Elle venait de composter son ticket d’entrée dans le cercle très fermé des agents de joueurs de football. « On s’est beaucoup moqué de lui parce qu’il avait pour agent une petite pimbêche, mais j’ai rapidement eu 50 joueurs – c’était comme si je faisais tourner des assiettes. Je m’occupais des transferts et des contrats, mais aussi des sponsors et des relations avec les médias. C’était très dur. Le problème, c’est que j’essayais de gérer le football comme n’importe quelle autre entreprise. Je ne comprenais pas pourquoi le président d’un club ne répondait pas immédiatement à mon appel téléphonique. Je suis très tenace. Ma mère s’enchaînait à des objets pour Greenpeace et me disait de ne jamais avoir peur de personne. Elle me conseillait de les imaginer nus ou aux toilettes, et j’ai adopté cette attitude dans les salles de réunion ». Rachel Anderson n’était d’ailleurs pas toujours la bienvenue lors des réunions avec les clubs « Il m’est arrivé de m’asseoir avec des dirigeants et de me faire dire : “Où est-il alors ?” en supposant que j’étais la secrétaire de l’agent”, raconte-t-elle au journal britannique, ajoutant que parfois, lorsqu’un accord était sur le point d’être négocié pour l’un de ses joueurs, les membres du conseil d’administration attendaient l’arrivée de son patron masculin, sans savoir que c’était Anderson qui était la patronne et la négociatrice.. “Je veillais à ne jamais verser le thé lors d’une réunion”, dit-elle. “C’était difficile de ne pas le faire, mais je ne voulais pas qu’ils aient l’impression que j’étais la petite femme. Et je ne portais jamais de pantalon. J’étais consciente de ne pas avoir l’air d’un garçon. N’est-ce pas stupide ? Je ne suis plus comme ça”.
A l’époque, il n’y avait que très peu de places, pour ne pas dire aucune, pour les femmes dans le football, surtout quand elle voulait représenter un joueur. Anderson avait aussi dénoncé le fait qu’au sein de quelques stades, les femmes n’étaient pas autorisées à pénétrer dans certaines zones les jours de match et nombreux sont ceux qui se permettaient de faire des remarques déplacées « Je pouvais y négocier un accord pendant la journée, mais le soir, tout le club se serait écroulé si une femme y avait mis les pieds. Le Celtic était l’un de ces clubs” avant d’ajouter “Certains présidents m’ont dit que les femmes devraient être pieds nus et enceintes et qu’elles ne devraient pas se trouver dans une salle de réunion”, a-t-elle déclaré. Elle avait également évoqué un autre épisode compliqué à Everton, en 1994 “J’étais devant le salon des joueurs et il y avait un énorme agent de sécurité à la porte. J’avais promis à Julian d’être là. Il ne m’est jamais venu à l’esprit que je ne pourrais pas m’y rendre. J’ai ouvert la porte et le très gentil agent de sécurité m’a dit : “Non, vous ne pouvez pas sortir, les femmes ne sont pas autorisées ici. Et je voyais Julian qui me regardait. J’ai dû réfléchir rapidement. J’ai pointé du doigt par-dessus son épaule et j’ai dit : ‘Vous l’avez laissée entrer’, et ce grand type de la sécurité a dû faire un virage à 180 degrés pour jeter un coup d’œil, et je suis passée devant lui en courant”, dit-elle en riant dans une interview accordée au Guardian en 2013. “Je ne pouvais pas laisser tomber Julian ». Une autre preuve de la malice de l’agent, qui ne se laissait pas perturber par les conditions difficiles.
Au-delà de Dicks, Rachel Anderson s’est également occupée des intérêts de Don Hutchison, un autre client célèbre. Elle a réussi à donner un nouvel élan à la carrière de l’Ecossais, après que Liverpool, furieux, eut expulsé le talentueux milieu de terrain du club pour s’être mal comporté pendant ses vacances à Ayia Napa, à Chypre. Hutchison avait joué au strip-poker avec des amis et avait été photographié avec une simple étiquette de bière pour cacher ses parties intimes. A partir de ce jour, il a été surnommé Budweiser. “Un soi-disant ami à lui a vendu les photos à un journal pour environ 10 000 livres sterling, ce qui était beaucoup à l’époque”, raconte Anderson. À l’époque, Liverpool ne supportait pas les mauvaises publicités et il savait qu’il avait gâché ses chances. J’ai rit et j’ai dit : “« Don, relève la tête et sois fier. Budweiser est un gros nom. Au moins, ce n’était pas Sol. Je pense que c’est la première fois qu’il a pu rire de l’incident et il a signé avec moi après cela”. Anderson a pu ensuite obtenir son transfert pour 1,5 million de livres à West Ham, l’équipe d’Harry Redknapp. Toujours diplomate, elle se souvient d’un jeune garçon terrifié plutôt que de l’Hutchison qui se pavanait et s’amusait, et qui est devenu célèbre pour ses frasques en dehors des terrains. « Il était tellement inquiet », dit-elle. « Il était désolé de la honte que cela représentait pour sa famille et dévasté par le fait que cela signifiait la fin de son passage à Liverpool […] Je crois que j’ai été la première personne à lui dire que ce n’était pas si terrible. C’était juste un garçon. Un peu stupide, mais pas un criminel”.
Rachel est une personne très affective qui s’attache à ceux qu’elle représente. Elle dit se sentir responsable de chaque aspect de la vie de ses clients et admet être un peu obsédée par le contrôle. Par exemple, elle avait coutume de les accompagner lors de leurs sorties nocturnes (toujours étonnamment discrètes) au cas où si un scandale éclate, elle soit la première sur les lieux pour pouvoir gérer au mieux la situation. Et ce qui devait arriver arriva. En 1996, Dicks a été accusé, dans un journal anglais, d’avoir couché avec deux fans des Hammers. Le travail de Rachel a consisté à monter au créneau pour étouffer l’affaire. “Julian en train de s’ébattre avec une fille de 17 ans ? Dans ses rêves ! Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi dévoué à sa famille. Sur le terrain, il avait cette image de dur à cuire. Une saison, il a payé plus d’amendes qu’il n’a gagné de salaires. Mais en dehors du terrain, Julian est une personne différente. Doux, gentil et attentionné”.
En outre, Rachel a été l’agent de Michael Hughes, qu’elle a aussi fait signer chez les Hammers dans les années 90, ou encore Joe Royle qu’elle a toujours particulièrement apprécié pour ne pas avoir fait de différence sur le fait qu’elle soit une femme.
Le sombre épisode de la Professional Football Association (PFA)
L’entrée de Rachel Anderson dans le football n’a pas été un long fleuve tranquille. Loin de là. Sa rencontre délicate avec la Professional Football Association (PFA) en 1997 en atteste. Lorsqu’elle est arrivée à la réception de la cérémonie des PFA Awards ce soir-là, il ne lui est pas venu à l’esprit qu’elle pourrait se voir refuser l’entrée à un dîner pour lequel elle avait été invitée parce qu’elle était une femme. À l’époque, elle était un agent bien établi, la seule à disposer d’une licence FIFA dans le Royaume et représentant une cinquantaine de joueurs, dont Dicks, pour lequel elle avait obtenu une indemnité de transfert record de 3 millions de livres sterling, après l’avoir transféré de West Ham à Liverpool.
Mais lorsqu’Anderson donne son nom à l’entrée, il devient évident que rien ne va se passer comme prévu. “C’est à ce moment-là que tout s’est un peu calmé”, raconte-t-elle. C’est alors que Brendon Batson [alors directeur général adjoint de la PFA, qui a conseillé la FA en matière d’égalité par la suite] a dit : “Il y a un problème”. “Je pensais sincèrement qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Je pensais qu’il allait me faire le coup du ‘Votre nom n’est pas inscrit, vous ne pouvez pas entrer’. J’ai dit ‘Non, je suis un invité des joueurs de Sheffield United’. J’avais un billet, j’avais mis ma robe, je m’étais fait coiffer, j’avais réservé un hôtel. Mais il m’a dit : “Non, vous ne pouvez pas entrer. Les femmes ne sont pas admises. J’ai dit : “Brendon, non. Vous plaisantez, n’est-ce pas ? Mais je me suis rendu compte qu’il ne plaisantait pas. J’ai dit : ‘Brendon, tu me dis à moi, alors que tu es l’un des premiers joueurs noirs, que je ne peux pas entrer parce que je suis une femme ? Tu devrais avoir honte. Parce que c’était une honte pour lui. Il avait l’air embarrassé. Mais il aurait pu faire quelque chose. Il était l’assistant de Taylor. Ce n’était pas un sous-fifre » avait-elle déclaré lors d’une interview accordée au Daily Mail. L’événement était réservé aux hommes depuis sa création et Anderson a été refoulé à l’entrée par Brendan Batson. Décision incompréhensible quand on sait que Batson avait lui-même été victime d’injustices pendant une grande partie des années 1980 en raison de ses origines caribéennes. Pour la petite histoire, Batson avait joué un rôle clé dans le lancement de l’organisation caritative « Kick It Out » de lutte contre la discrimination. Il avait été l’un des premiers footballeurs noirs à jouer en Premier League et manquait une occasion de barrer la route à une discrimination liée au sexe. Il aurait été facile d’en faire un scandale, mais Anderson ne voulait pas que ce genre de publicité retombe sur elle ou sur ses joueurs, qui avaient sans doute déjà bu quelques verres à ce moment-là. “Je n’oublierai jamais qu’en montant les escaliers, je me suis rendu compte qu’il y avait une mer d’hommes. Plus que la normale. En fait, il n’y avait que des hommes. Et je me suis dit : ‘Ce n’est pas possible ? Ce n’est pas possible, c’est un événement public. Il y avait des caméras de télévision. Il y avait des serveuses. C’est l’année où Michael Owen a remporté le titre de Jeune joueur de l’année. Cela m’a vraiment touché. J’étais assise à l’étage de l’hôtel et je me disais : ‘Sa mère ne peut pas y aller ? […] Sa mère a été l’instigatrice de son succès. C’est elle qui l’a conduit à l’entraînement et en est revenue, qui a lavé son équipement et qui lui a donné beaucoup d’amour et de soutien. Pourtant, elle n’a pas été autorisée à aller le voir recevoir son prix. Maintenant, elle le peut ».
Anderson s’est assise dans sa chambre d’hôtel et a essayé de comprendre ce qui venait de se passer. “Ce qui était stupide, c’est que mon mari, qui ne travaille pas dans le football, était à un événement en costume ce soir-là et que si je lui avais donné mon billet, il aurait pu y entrer. J’aurais pu donner mon billet à n’importe quel serveur en tenue de soirée et il aurait pu entrer. C’était ridicule”. Bien que son père l’ait incitée à protester, Anderson a attendu l’année suivante pour engager une action en justice. “Lorsque j’ai vérifié la loi sur la discrimination sexuelle, je me suis aperçue qu’il s’agissait d’une zone très grise, qui n’avait pas été modifiée depuis 1978 ». Elle écrit donc à Tony Blair, le Premier ministre de l’époque, qui lui apporte son soutien et lui conseille de porter l’affaire devant les tribunaux. Avant de le faire, elle a tâté le terrain et obtenu le soutien de tous les partis à la Chambre des Lords. En 1998, elle engage un avocat et fait la une des journaux. Sans crainte et sur de son fait, elle a mis un coup de pied dans la fourmilière pour bousculer l’ordre établi. “J’aurais probablement dû avoir peur. Il se disait que si vous vous attaquiez à l’establishment, vous ne travailleriez plus jamais dans le football. Mais c’était stupide de leur part de dire cela parce que c’était comme un chiffon rouge pour un taureau”. De peur de nuire à sa réputation, elle n’avait pas d’autre choix que de poursuivre l’affaire. “Les conséquences auraient pu être désastreuses si j’avais perdu. Mais si j’avais accepté, j’aurais envoyé un mauvais message aux joueurs : je n’étais peut-être pas la bonne personne pour être leur agent parce que je n’aurais pas été autorisée à entrer dans la salle du conseil d’administration”.
Julian Dicks écrira à la PFA en son nom, choqué et consterné par le traitement réservé à son agent. Le directeur général de la PFA, Gordon Taylor, s’en tint à la tradition et refusa de changer la politique en prétendant que le conseil d’administration voulait que l’événement reste une affaire exclusivement masculine. « Nous ne reconnaissons pas cette version des faits. La PFA est fière d’être une organisation ouverte et inclusive et nous sommes immensément fiers du travail que nous avons accompli pour promouvoir l’égalité des sexes dans le sport” avait annoncé un porte parole de la PFA.
Rachel dément catégoriquement et indique qu’il s’agissait d’une astucieuse couverture de ses propres convictions. Mais sans l’intervention de cette pionnière peu connue, les femmes ne seraient même pas autorisées à assister au dîner, et encore moins à recevoir un prix. Il s’agit sans doute de l’acte le plus influent qu’une femme du secteur ait entrepris. Mais alors que des pionnières plus en vue, comme la première femme directrice générale du football, Karren Brady, ou Gabby Logan, première femme à présenter Match of the Day, sont saluées pour leur contribution à l’entrée du football dans le XXIe siècle, le nom d’Anderson est souvent omis de la liste.
En outre, l’affaire a coûté environ 210 000 livres à Rachel Anderson et, bien qu’elle ait récupéré des “frais raisonnables” et 7 500 livres de dédommagement (“pour avoir été blessée”, dit-elle en riant), elle a perdu de l’argent dans l’ensemble. Elle a essayé de trouver un accord avec la PFA, mais celle-ci est restée inflexible. Quoi qu’il en soit, le verdict lui a donné raison. “J’ai donné à la PFA de nombreuses occasions de faire machine arrière. Mais non, ils ont dit qu’ils voulaient se battre jusqu’au bout. Ils ne dépensaient pas leur propre argent ; c’était l’argent de leurs joueurs, n’est-ce pas ? A-t-elle rencontré Taylor pour discuter de l’affaire ? Gordon n’a jamais voulu parler face à face. Il a simplement dit qu’il représentait les souhaits de ses joueurs. Mais je n’ai jamais rencontré un seul joueur ou un seul représentant de la PFA qui l’ait confirmé. C’était absurde […] Nous nous sommes battus et nous avons gagné. J’aime à penser que cela a changé la donne pour les femmes dans le football, mais peu de gens le savent ».
Les choses ont changé aujourd’hui, toutes les joueuses inscrites à la Women’s Super League peuvent devenir membres de la PFA. En 2013, la PFA a décerné pour la première fois en 106 ans d’histoire son prix de la joueuse de l’année, remporté par Kim Little d’Arsenal. En 2019, aux côtés de Van Dijk, défenseur central de Liverpool, sa compatriote néerlandaise Vivianne Miedema, attaquante à Arsenal, a remporté le titre de Joueuse de l’année de la PFA, après être devenue la meilleure buteuse de la Women’s Super League cette saison. Une récompense qui n’aurait pas été possible sans Rachel Anderson. L’agent avait précisé que la première année après sa victoire, deux femmes avaient assisté aux Awards et lui avaient téléphoné pour la remerciée. Une fierté pour elle. Pour que les choses changent rééllement selon elle, il fallait que des jeunes soient impliqués dans la prise de décision pour qu’il y ait de la diversité au sein du conseil d’administration, notamment une ou deux femmes.
En 2020, la PFA a été vivement critiquée. Son président, Gordon Taylor était dans la tourmente suite à de multiples accusations autour du fonctionnement de son organisation. Alors qu’il percevait un salaire annuel de 2,2 millions de livres sterling, de nombreux observateurs affirment que son syndicat avait laissé tomber certains de ses membres qui en avaient le plus besoin. Taylor s’est finalement retiré en novembre de la même année avec un bonus de 1,4 millions de livres à la clé.
Rachel Anderson aujourd’hui
Aujourd’hui, tout en continuant à travailler pour une poignée de joueurs, dont Dicks qui a pris sa retraite et s’est reconvertit dans le coaching, Rachel s’est diversifiée et représente désormais des clubs. Ses clients sont répartis dans le monde entier, de la Suisse au Nigeria. « Au lieu de faire du proxénétisme pour les garçons, je fais maintenant du proxénétisme pour les clubs”, dit-elle en plaisantant. “Si un club veut un certain joueur, je sors et je fais une reconnaissance. Je teste l’eau et je vois dans quelle mesure le club de ce joueur serait réceptif à l’idée de le vendre ». Étonnamment, dans un secteur réputé pour sa cupidité, Rachel affirme qu’elle n’est pas motivée par l’argent « Non, vraiment ! Mon mari et moi avons eu la chance de faire fortune grâce à l’immobilier. Je peux donc faire cela pour l’amour du métier, ce qui est tout à fait merveilleux”.
Lorsqu’elle ne négocie pas des contrats mirobolants, Rachel vit tranquillement à Greenwich, dans le sud de Londres, avec John, son mari depuis 50 ans, qu’elle a épousé à l’âge de 18 ans. Sa fille Natasha, 35 ans, est avocate et son fils James, 34 ans, travaille comme chasseur de talents. Deux professions difficiles. L’esprit d’initiative de leur mère a visiblement déteint sur eux.
Mais Rachel n’en a pas fini. Selon elle, le football a besoin d’un bon coup de pied au derrière et elle est la première à admettre que certains de ses collègues agents sont les principaux responsables de la dégradation de ce sport. “Le football a acquis la réputation d’être une entreprise sordide et clandestine. Il doit faire le ménage et rendre des comptes. Les agents doivent tous être titulaires d’une licence, mais le système présent d’énormes lacunes. Si vous êtes accusé d’un acte répréhensible, seule la fédération du pays qui vous a délivré votre licence peut s’en occuper. Et normalement, elle ne le fait pas. Quel est donc le message que nous envoyons ? Obtenez votre licence dans un pays obscur, puis venez en Angleterre, faites des bêtises et vous ne serez jamais inquiété”. La FIFA a visiblement entendu son argument puisqu’elle a décidé depuis décembre dernier de mieux règlementer la profession en instaurant le passage d’un examen pour obtenir une licence.
Dans son appartement cossu, situé à quelques minutes de l’aéroport de London City, qui lui permet de se rendre fréquemment en Suisse pour superviser les joueurs du monde entier, envoyées là pour s’acclimater avant de rejoindre des clubs professionnels, Anderson s’amuse de certaines des épreuves de son métier.
A bientôt 70 ans, Rachel Anderson fait sans aucun doute figure de pionnière de la profession d’agent en Angleterre. Elle a contribué à faire tomber les barrières relatives à la présence des femmes dans le milieu du foobtall, même tout cela s’est fait à un certain prix. Aujourd’hui, les femmes ont leur place dans le sport roi en grande partie grâce à elle. Ce n’est pas pour rien si Karren Brady, vice-président de West Ham, l’a qualifiée “d’agent du changement”.
Un travail de longue haleine unanimement reconnu si bien qu’en 2015, elle reçoit le Lifetime Achievement Awards de l’organisation Women In Football pour l’ensemble de ses réalisations au sein du sport roi. Mais ce n’est pas tout. Un an plus tard, en 2016, Anderson est décorée de l’Ordre de l’Empire britannique (MBE) dans la liste du 90e anniversaire de la reine Élisabeth II pour sa contribution à l’égalité des sexes dans le football.
Toutefois, malgré les résultats obtenus, la Britannique estime que beaucoup reste à faire pour les femmes “Le football a besoin de plus de femmes, à condition qu’elles soient bonnes. Il n’est pas nécessaire de connaître le football sur le bout des doigts. Il suffit de savoir négocier et parler aux gens”. Malgré tous ces déboires, Rachel a toujours déclaré son amour inconditionnel au football “Je peux me plaindre de ce qui ne va pas avec le football, mais c’est quand même le plus beau jeu du monde. Il n’y a rien qui puisse unir, enrichir et enthousiasmer autant les gens. Et c’est pour cela que je l’aimerai toujours”. Un bon résumé pour un sport qui lui a procuré tant d’émotions et dont elle aura sans aucun doute inspirer la nouvelle génération d’agent au féminin.