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Silvia Patruno, la première femme agent FIFA en Italie

Romaric ETONG

Aujourd’hui, l’Italie est reconnue pour abriter quelques uns des meilleurs agents de joueurs de la planète. Le feu Mino Raiola, Federico Pastorello, Antonio Caliendo, Alessandro Moggi, Giuseppe Riso, Alessandro Lucci ou encore Pietro Chiodi ont bâti au fil des années la solide réputation des représentants italiens. Quant aux femmes agents de joueurs, elles ne sont pas en reste. Si aujourd’hui Claudia Romanelli fait la pluie et le beau temps au sein du foot féminin, Silvia Patruno a ouvert la voie il y a une trentaine d’années. Elle est la première femme agent licenciée dans l’histoire du football italien.

Ses débuts dans le milieu

La belle histoire débute en 1993. A cette époque, Silvia obtient sa licence auprès de la FIGC, la fédération italienne. Peu de temps après, elle parvient à décrocher sa licence FIFA. « J’ai commencé en 90-91 à Cernobbio, quand le monde du football n’était pas encore prêt à voir une femme exercée en tant qu’agent. Plus qu’un agent de la FIFA, je me considère comme un manager sportif. Quand j’ai commencé ce métier, j’étais déjà directeur administratif et comptable d’une entreprise. C’était très décontracté. Les examens, je les passais juste pour le plaisir et ensuite j’ai créé mon entreprise ».

A en croire la principale interessée, c’est un peu par hasard qu’elle a fait son entrée dans le football, étant donné que personne n’était vraiment fan de ce sport dans sa famille. Dans une interview accordée à Goal en 2010, elle expliquait sa rencontre avec le sport roi « Grâce à des amitiés réciproques, j’ai fait la connaissance de quelques femmes de footballeurs et l’une d’entre elles m’a rapprochée des problèmes de son mari. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré quelqu’un à Rome qui m’a proposé de passer les examens pour intégrer le registre des agents qui venait d’être mis en place. Avant cela, le football était un monde qui m’était totalement inconnu, car à la maison personne n’aimait ce sport. Mon père n’avait jamais regardé un match de football et il avait d’autres passions. Le fait de ne pas être une fan m’a beaucoup aidé car j’ai un regard très technique sur le football et cela m’amène à avoir, à mon avis, une attitude professionnelle ».

Pour ce qui est de la collaboration avec ses joueurs, elle indique que « La relation avec mes clients est très sereine, précisément parce que je suis une femme, je me penche beaucoup sur l’aspect psychologique. Je suis très attentive aux nuances de caractère et de comportement, car pour être footballeur, il ne suffit pas que d’avoir des pieds. Les pieds, ainsi que les jambes, sont importants, mais c’est la tête qui est fondamentale. Il y a beaucoup de footballeurs qui ne réussissent pas parce qu’ils n’ont pas cette combinaison parfaite, c’est pourquoi j’aime aider mes assistants avant tout sur le plan mental ». En tant que femme qui brisait les codes dans le milieu à l’époque, elle ne s’est jamais laissée intimider par les préjugés et a fait de l’équité et du professionnalisme ses fers-de-lance. Silvia ajoute n’avoir jamais eu de problèmes avec les épouses ou compagnes de ses clients, faisant tout pour rester professionnel « Je n’ai jamais eu de problèmes de jalousie avec les épouses et les petites amies. J’ai toujours une très bonne relation avec les petites amies et les mères de mes clients. Pour moi, l’approche et l’aspect professionnel ont toujours été très importants. À cet égard, le plus beau compliment que j’ai reçu a été celui de Cataldo, alors directeur sportif du Lecce Calcio. Cataldo, qui est aujourd’hui décédé, est entré dans l’histoire du football et m’a dit : « Bien que tu sois une belle femme, tu ne te laisses pas abattre par ce que tu es dans la relation de travail. En fait, au travail, j’essaie toujours de mettre de côté le fait que je suis une femme ».

Silvia Patruno a souvent évoqué ses débuts difficiles, pas de quoi la décourager. Elle ne cache pas que nombreux sont ceux qui doutaient de sa capacité à travailler aussi bien que les hommes. Son arrivée a suscité beaucoup de curiosité mais qu’elle a su faire face grâce à son mental à tout épreuve « Comme dans tous les domaines, quand on veut briser un mur de caoutchouc, on rencontre beaucoup de scepticisme et de méfiance, mais je n’ai jamais ressenti ni l’un ni l’autre parce que j’ai toujours essayé d’établir une relation d’égal à égal. Le fait d’être une femme devient un boomerang car si, d’un côté, cela peut vous ouvrir des portes, de l’autre, cela peut vous en fermer. Si vous laissez votre statut de femme l’emporter sur votre statut de professionnelle, vous le payez en fin de compte. J’ai donc toujours essayé d’être très détachée et juste dans mes relations, car pour moi, l’une des prérogatives les plus importantes est l’équité ». En outre, elle admit que malgré les avances de certains, elle a toujours su rester professionnelle en admettant qu’être une femme peut avoir des avantages mais aussi des inconvénients. Pour elle, le plus important pour un procuratore reste la compétence.

Pour ce qui est de ses clients à proprement parlé, Patruno a notamment représenté Ciccio Dettori, de Simone Sales et aussi de la « Furie de Lesina » Mimmo Santoro, le tout en collaboration avec Dario Colapinto. En 2019, elle s’est fait remarquer en prenant la défense de Wanda Nara, critiquée pour sa manière dont elle s’occupe des intérêts de Mauro Icardi. Elle surenchérie en prétextant que les critiques dont l’Argentine est l’objet sont les filles de la jalousie et propres aux difficultés habituelles que rencontrent les femmes.

Silvia Patruno aujourd’hui

Au-delà d’être agent de joueurs, Silvia Patruno travaille dans le football au sens large du terme « Parce que c’est un monde qui crée de l’économie. Si l’on regarde les événements les plus regardés à la télévision et que l’on examine les statistiques, ce sont les matchs de football qui ont le plus d’attrait. Si chaque dimanche, le « phénomène football » est célébré à la télévision et dans les tribunes, cela signifie que le football n’est pas seulement un phénomène médiatique, mais aussi un phénomène social. À ce titre, j’aime organiser des événements autour de ce phénomène. J’ai toujours essayé de combiner mon bagage culturel, qui est le marketing, le football et l’économie, de sorte que l’organisation d’événements liés au football est la chose que j’aime le plus faire et que je trouve extrêmement positive. »

Bien qu’elle ne soit plus en première ligne sur le marché des transferts, Silvia Patruno continue d’exercer aux échelons inférieurs des championnats italiens. Elle fait également quelques apparitions dans les médias pour analyser le mercato et donner son expertise sur le sujet. La procuratore sportivo a toujours des affinités avec de grands clubs tels que l’AC Milan, la Juventus, le Napoli, la Fiorentina ou encore la Roma.

Conformément à sa vision 360 degrés, l’agente effectue d’autres activités dans le football. Ainsi, elle a énormément travaillé sur la formation des jeunes ces dernières années, collaborant notamment avec le Hellas Verone en 2013 à travers le Football Manager Young Project ou encore avec Bari sur le projet Academy en 2017. Ces projets, qu’elle a développés avec son ami et agent Dario Colapinto, étaient exclusivement destinés à la formation des jeunes joueurs et entraîneurs des écoles de football avec en ligne de mire trois composantes fondamentales : technico-tactique, médico-sportive et managériale. Malheureusement, pour ce qui est du projet Academy, Silvia Patruno a rapidement claqué la porte, indiquant qu’elle ne disposait pas des ressources nécessaires de la part du club Biancorosso pour faire correctement son travail.

En outre, Patruno, à l’instar de Patrizia Pighini, a su se montrer à son aise dans l’organisation de grands événements sportifs, tels que le tournoi de Viareggio ou le populaire trophée « Birra Moretti ». Mais ce n’est pas tout. La responsable de Football Manager srl et Asd Soccer Dream Parabita organise et prend part à des conférences pour partager son expérience dans le sport.