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Rafaela Pimenta : « lorsque Mino Raiola est parti, je me suis demandé si je continuais ou pas »

Romaric ETONG

Foot Mercato : bonjour Rafaela, pouvez-vous vous présenter pour ceux qui ne vous connaissent pas ?

RP : je suis avocate, je suis brésilienne, j’habite en Europe depuis très longtemps. Je suis venue parce que Mino Raiola m’a invité à créer la société avec lui et on a travaillé ensemble pendant au moins 25 ans.

FM : à propos de Mino, comment avez-vous géré sa maladie ?

RP : on a tous été pris par surprise avec la maladie de Mino, c’était totalement inattendu. Tout s’est passé très vite. Du moment où on a appris qu’il était malade, notre préoccupation principale était surtout son bien-être, ses soins et sa situation médicale.

FM : vous étiez très proche tous les deux, l’un avec un rôle plus dans l’ombre et un autre plus sur le devant de la scène…

RP : déjà la vérité, c’est que Mino a arrêté de travailler au mois de décembre 2021, et on a perdu Mino le 30 avril 2022. Mino et moi étions associés depuis des années. Bien évidemment, on faisait le jeu où Mino faisait le « one man show » et se mettait en avant. Mais en réfléchissant bien, c’est impossible pour un être humain de faire tout ça. Même si Mino travaillait tout le temps. La société existe depuis très longtemps, elle est basée à Monaco où on a des employés fixes et aussi des collaborateurs ponctuels. C’est comme ça que ça se passe dans le football. Dans les clubs, chez les agents, on travaille tous avec notre réseau d’observateurs. Depuis des années, on a un réseau qui passe par la France, Italie, les Pays-Bas, l’Angleterre, le Brésil, l’Espagne, etc..

«Ça a toujours été notre choix de ne pas avoir une grosse quantité de joueurs»

FM : qu’est-ce qui a fait la réussite de votre agence selon vous ?

RP : on a toujours travaillé avec un groupe restreint. Et la raison pour laquelle nous avons fonctionné ainsi, c’est que Mino et moi avons toujours cru à l’idée du management sur mesure. C’est-à-dire qu’on veut être proche des joueurs, à côté d’eux, connaître tout de lui, sa famille, sa vie parce que l’évolution d’un joueur de foot va au-delà du terrain. On pense que ce n’est pas possible de le faire en trop gros nombre. Ça a toujours été notre choix de ne pas avoir une grosse quantité de joueurs. Les joueurs qu’on a choisi de suivre, on a fait un choix suite au rapport humain qu’on avait avec eux, et le ressenti. Peut-être que quelqu’un est très bien, mais cette personne n’est pas bien pour toi.

FM : mais Mino est parti. De quoi chambouler cet écosystème bien rodé non ?

RP :après le départ de Mino, je me suis retrouvée dans une situation très particulière. On a fait un parcours ensemble pendant toutes ces années. Je me suis posé la question : « est-ce que je continue ou pas ? » Une question légitime et totalement valable quand tu perds ton associé surtout qu’on avait tout fait ensemble durant toutes ces années. Et ça s’est passé presque pendant le mercato. Du coup, je n’ai pas eu le temps de faire toute cette réflexion. Lors des funérailles de Mino et alors que j’ai un joueur qui m’appelle pour me demander ce qu’on fait vu que Mino n’est plus là, le joueur est en instance de transfert, je dois lui fournir une réponse rapide… Ca s’est enchaîné, avec le joueur avec le club, et après un autre joueur, etc. Et là je me suis dit : « ca y est la réponse elle est donnée. Les joueurs sont là, je suis là et il faut le faire. » On enchaîne le mercato estival, comme à chaque fois avec toute notre énergie et notre engagement et on a fait ce qu’on avait à faire, c’est-à-dire bien s’occuper de nos clients. Et à la fin du mercato au mois de septembre, je me suis dit, je continue. Après la perte d’une personne aussi fondamentale pour la société que Mino, il m’a fallu rapidement penser à faire une restructuration.

«Cela aurait été irresponsable et arrogant de ma part de penser que moi, je pouvais faire les choses toutes seules»

FM : c’est là que vous faites vous aussi votre mercato en récupérant deux éléments…

RP : à ce moment-là je me dis : quelles sont les choses que je dois faire pour continuer à offrir au joueur le même niveau d’engagement, de service ? Parce que cela aurait été irresponsable et arrogant de ma part de penser que moi, je pouvais faire les choses toutes seules. Parce que je ne faisais pas les choses en solo, je les faisais avec Mino. Mais il n’est plus là, donc il fallait trouver une organisation pour que ceux qui m’ont donné leur confiance pendant le mercato ne regrettent pas leur choix et continuent avec moi. J’ai fait ces choix avec le fils de Mino, Mario. Ensemble, nous avons beaucoup discuté sur où on va et ce qu’on va faire. Après réflexion et beaucoup d’échanges, nous avons fait notre plan sur les prochaines années et à ce moment-là, coup de chance, je me rends compte que Maxwell a quitté l’UEFA pour des raisons personnelles. On se connaît depuis longtemps, on a travaillé ensemble durant sa carrière notamment au PSG et en discutant ensemble, je lui dis : « viens travailler avec moi ça me ferait trop plaisir ». Et Maxwell est arrivé quelques mois après dans l’agence, à la fin de l’année 2022. Et comme dans la vie, il se passe des choses parfois bizarres, il y a une autre personne qui est arrivée parce que lui aussi voulait voir autre chose. Depuis le mois de janvier 2023, on a quelqu’un avec nous qui s’appelle Massimiliano Sorgato qui était le responsable du recrutement à l’AC Milan et l’entraîneur d’équipe de jeune à l’AC Milan pendant plusieurs années. Et il est venu aussi pour nous donner encore plus de poids au niveau technique. On a aussi toute une structure pour le développement de l’image, des réseaux sociaux, de la communication, etc…

«C’est très compréhensible donc de voir Vincenzo Raiola vouloir suivre son propre chemin»

FM : une organisation où n’apparaît plus Vincenzo Raiola..

RP : oui. J’ai vu que vous avez écrit mardi un article par rapport à Vincenzo Raiola qui a collaboré plusieurs années avec nous. C’est le cousin de Mino, parfois les gens pensent que c’est son fils, mais c’est bien son cousin. Si vous me permettez, je vais parler de choses assez personnelles qui touchent la société, mais qui sont pour moi importantes d’être précisées. Il n’y a aucun conflit entre lui et moi. Vincenzo et moi on s’est parlé. Je lui ai toujours dit que cela me faisait plaisir d’être en collaboration avec lui. Mais c’est difficile pour moi de contenter tout le monde. J’essaie de le faire tant que je peux aux limites de ce que je peux faire. Il y a une mission principale dans cette société : gérer les joueurs. Je le prends comme une grande responsabilité et ce n’est pas un jeu d’enfant. On ne le fait pas par rapport à notre réseau, pour se faire voir. On fait de l’argent et c’est normal, car c’est un travail mais c’est une responsabilité avant tout. Alors oui ce n’est pas facile de contenter tout le monde. C’est très compréhensible donc de voir Vincenzo vouloir suivre son propre chemin depuis décembre, et c’est totalement acceptable. Mais là où c’était important d’apporter une précision, c’est que Vincenzo n’est pas parti avec des joueurs de la société, ce n’est pas vrai, c’est là qu’il y a une petite imprécision.

FM : vous voulez parler des joueurs qui sont partis avec Vincenzo que nous avons mentionnés (Ismaël Bennacer notamment) dans l’article ?

RP : Ismaël Bennacer (AC Milan) n’a jamais été avec notre société. Donc il ne nous a rien pris puisqu’il n’était pas au sein de notre structure. Et Mohamed Fares (Lazio Rome), un autre nom cité dans l’article travaillait déjà avec lui. C’est important de bien mentionner cela, car cela peut prêter à confusion.

«Erling Haaland, il ne m’appartient pas. C’est mon client, il m’a donné sa confiance, je dois la mériter chaque jour»

FM : pouvez-vous nous parler de vos joueurs, ceux qui sont chez vous et qui vont continuer à faire briller votre structure ?

RP : une chose importante : les joueurs pour moi ne sont pas des objets. Je suis incapable de dire : « j’ai ça ». Je n’ai rien, ce sont mes clients. Devant moi j’ai un parfum, il m’appartient. Erling Haaland, il ne m’appartient pas. C’est mon client, il m’a donné sa confiance, je dois la mériter chaque jour, je dois être droite et discrète par rapport à tout ce qui touche sa vie et sa situation. Je trouve que c’est de mauvais goût de vous faire une liste de joueurs comme si c’était une liste de shopping. C’est la manière dont je veux faire évoluer la société. Je sais que ce n’est pas forcément ce que vous attendez vous les médias ou ce que font d’autres agents qui disent : « j’ai ça, j’ai ça, j’ai ça comme joueurs ». Je respecte ça, mais moi je suis là pour rendre un service et mes clients peuvent toujours compter sur moi en toute discrétion. Après si c’est important pour le joueur que je parle de lui, je le fais avec plaisir. Par exemple, je prends l’exemple de Paul (Pogba). Imaginons, Paul est transféré ou il va signer un gros contrat de sponsoring, là je peux parler de lui. Je parle de Paul pour le mettre en évidence, pour le valoriser. Mais parler de Paul pour parler de Paul, c’est non, ce n’est pas un trophée. C’est ma vision des choses.

FM : de votre côté, quels sont les projets à court terme au sein de votre agence ?

RP : on parle de construire, notre vision est d’être dans la positivité et de parler de belles choses. Par exemple, il y a quelques jours, nous avons fait signer 5 nouveaux joueurs au sein de notre agence. Parmi ces joueurs, on a de futurs grands talents du football tels que Adam Bakoune, un latéral droit de 16 ans italo-marocain qui est international U16 italien et membre important de la Primavera de l’AC Milan. On a signé également Michael Dokunmu, un milieu offensif sud-africain de 16 ans, déjà pro au Vitesse Arnhem aux Pays-Bas. On a récupéré un joueur international français espoir aussi mais on ne peut pas encore donner son nom. Cela me fait énormément plaisir, c’est un honneur, une responsabilité, mais on est heureux d’avoir récupéré de nouveaux talents. Ça nous donne encore plus de motivation, car on croit en ce qu’on fait. Autre chose positive au sein de notre agence, on va annoncer bientôt un des plus gros contrats de sponsor de cette génération. Même deux très grosses nouveautés au niveau contrat de sponsoring. On va beaucoup en parler, ça va faire vraiment plaisir aux gens, cela va être une chose historique…