Eduardo Hernández Applebaum est un homme qui sait compter. Onze jours de boulot, neuf coups de téléphone, deux mails, sept rencontres avec son joueur et les responsables des clubs impliqués : voilà les efforts qu’il a déployés en août 2015 pour le transfert du joueur Javier Hernández Balcázarde de Manchester United au Bayer Leverkusen. Pour ce job exténuant, l’agent basé à San Antonio (Texas) peut viser d’ici septembre 2017 une commission totale de 1,5 million d’euros payée en trois fois par le club allemand, si son joueur y reste jusque-là. Pas mal pour onze jours de travail à temps partiel. Ça vous met la journée à 136 363 euros. Il en a déjà touché les deux premiers paiements, pour 1,1 million.
On le sait parce que Leverkusen a une politique originale qui gagnerait à être étendue : le club exige des agents qu’ils répertorient le travail qu’ils ont réalisé. Cela donne de jolis tableaux à quatre colonnes où l’agent doit noter la date, le thème, le moyen de contact et le résultat. Applebaum a donc consciencieusement rempli le « protocole » pour Chicharito : il y en a deux pages.
Ça débute le 15 août, avec un coup de fil au Bayer « concernant l’avenir du joueur ». Le même jour, il informe le club que « JHB » – le joueur – « demande un peu de temps ». Le 19, il informe Manchester. Le 20, il reçoit l’offre du Bayer, et en discute « personnellement » avec le joueur. Le 22, il négocie tout aussi « personnellement » avec Manchester. Le 28, il reçoit l’offre du club allemand. Le 29, il « demande la décision finale du joueur ». Le 31, ils s’envolent pour Leverkusen pour signer un contrat de trois ans. Manchester United touche 10 millions, l’agent en encaisse 1,5. Bingo.
L’histoire ne s’arrête pas là. Car Eduardo Hernández Applebaum a aussi un contrat avec le club, passé le 17 août 2014. Dans cet « accord de service », il s’engage à aider le Bayer à recruter Chicharito. Son travail consiste à le « convaincre de signer ». Mais l’agent reste libre de « choisir d’agir au nom du Bayer ou non ». La tactique assez répandue : l’agent agit, puis choisit, une fois le deal établi, s’il se déclare officiellement agent du club ou du joueur.
Dans le même contrat, le Bayer requiert pourtant de l’agent qu’il assure « ne pas avoir de relation contractuelle avec le joueur » : ceci pour respecter la règle alors en vigueur qu’on ne pouvait être à la fois agent du club et du joueur. Règle purement virtuelle comme ce transfert le démontre. Surtout que le contrat entre l’agent et Leverkusen prévoit que si l’agent doit toucher une commission du joueur, elle ne sera « pas incluse dans la commission payée par le Bayer ». Cela couvre le club (il n’aura à régler à l’agent que la commission qu’il a définie en application de son accord, soit le 1,5 million d’euros évoqués plus haut) tout en n’empêchant pas l’agent de toucher un petit quelque chose du joueur…
Eduardo Hernández, agente de Chicharito, revela en EXCLUSIVA para ESPN que Javier ya es jugador del Bayer Leverkusen. pic.twitter.com/8hDdSNTu0f
— René Tovar (@Rene_Tovar) August 31, 2015
Mieux : le Bayer inclut dans ce contrat une clause de « permission pour double représentation ». En clair, il « permet » à l’agent de représenter le joueur dans les négociations, notamment pour la négociation du salaire. « Bayer 04 Leverkusen tolère cela expressément. » Il indique que « le lien de famille entre l’agent et le joueur est connu ». Car l’agent est en effet un parent du joueur. Mais à la fin, il ne sera mentionné nulle part sur le contrat de Chicharito.
Eduardo Hernández, representante de #Chicharito asegura que Leverkusen no quiere deshacerse del Mexicano #FSRadioMX en @FOXSportsMX pic.twitter.com/qspOFHX42A
— FOX Sports Radio (@FSRadioMX) January 5, 2017
Source : Mediapart